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Immobilier logistique : un marché dynamique soumis à l'accélération des flux

Publié le 17 janvier 2018

4. L’immobilier logistique urbain se diversifie

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Face à la raréfaction du foncier en centre-ville, les groupes testent différents modèles logistiques. Il s’agit aussi d’anticiper les usages urbains de demain.

« La livraison en ville va être un critère de survie pour les logisticiens ». Cette remarque d’un responsable de groupe logistique met l’accent sur le dernier kilomètre, qui pèse plus de 20 % du coût global de la chaîne de livraison. Mais dans l’équation très délicate que pose la logistique urbaine, les patrons de groupes d’immobilier logistique évoquent également l’influence réglementaire, l’aménagement de l’espace et la technologie pour favoriser la mutualisation des flux. Dans un contexte où le PDG de la Poste estime que le nombre des colis va doubler d’ici 2022, à quoi ressemblera l’immobilier logistique urbain de demain ? « Le sujet est complexe car les modèles restent à bâtir pour être rentables », estime Christophe Bouthors, président du directoire du groupe Panhard. S’il ne travaille pas de manière opérationnelle sur le sujet, le promoteur immobilier a pris des positions foncières sur un des deux sites en amont du projet d’hôtel logistique Chapelle International, au nord de Paris. L’objectif est de faire entrer les marchandises par train pour les faire livrer par des véhicules propres dans la capitale. En portant les caisses mobiles déchargées du train, la rupture de charge est limitée. « Une des grandes difficultés est d’arriver à gérer de grands volumes avec le coût le plus faible possible. Nos équipes se concentrent actuellement sur ce point », assure-t-il.

 

L'innovation pour imaginer la logistique du dernier kilomètre

« Les nouveaux modes de consommation et l’e-commerce sont au coeur de la mutation en profondeur de la logistique telle que nous la connaissons », estime Marco Simonetti, directeur général de Segro pour l’Europe du sud. Le groupe a commencé en mars dernier la construction d’une première plateforme de 26 000 m² à Aulnay-sous-Bois (93) sur une partie de l’ancien site de PSA, qui sera livrée en mars 2018. L’occupant de ce bâtiment, situé à 15 km seulement de Paris, en bordure de l’A1, sera Carrefour. « Au-delà de la demande de grands entrepôts, la logistique de dernière génération a tendance à se rapprocher de plus en plus des villes », poursuit-il. Avec le raccourcissement des délais de livraison, il indique qu’il est difficile de livrer Paris lorsqu’on est basé dans le Grand Roissy où le groupe possède 80 % de ses parcs français. C’est pourquoi, dans l’e-commerce alimentaire, les acteurs sont attentifs à installer des entrepôts de taille plus modeste au plus près des consommateurs. La plateforme d’Ooshop, mise en service en janvier dernier, est à trois kilomètres de Paris.

 

Sogaris se donne dix ans pour devenir le leader de la logistique urbaine du Grand Paris. L’objectif du groupe est « d’être compétitif en partant des besoins de ses clients, qui explosent avec la révolution e-commerce, et des exigences de collectivités locales en matière de lutte contre le dérèglement climatique et la pollution de l’air, indique Jonathan Sebbane, directeur général de la société d’économie mixte. À ce titre, l’innovation est le moteur indispensable pour imaginer et développer une logistique du dernier kilomètre qui colle aux nouveaux usages et aux évolutions technologiques. » Le groupe Sogaris souhaite constituer un réseau maillé de sites de logistique urbaine au sein du Grand Paris. « Le premier niveau, c’est l’échelle de l’A86 avec des plateformes qui dépassent les 50 000 m² et qui doivent proposer de nouveaux services pour aller vers un transport plus propre ; puis les hôtels logistiques à l’échelle de la zone dense qui sont des bâtiments urbains et mixtes, à même de s’intégrer parfaitement à la ville ; enfin les espaces logistiques de proximité localisés en centreville (jusqu’à 5 000 m²) qui proposent un nouveau service à la ville et à ses habitants », commente-t-il. La société a ainsi redéveloppé un ancien parking sous la dalle Beaugrenelle, dans le XVe arrondissement de la capitale, et va bientôt inaugurer Chapelle International.

 

Concernant les espaces logistiques de proximité, Sogaris va développer un projet sous le périphérique entre Pantin et Paris sur 1 000 m², via une convention temporaire avec la Ville de Paris, et qui devrait sortir en 2019. Il constituera une sorte de base relais pour éclater des marchandises en provenance d’Arras (62) et de Rungis (94), ce qui évitera aux camions de traverser le périphérique. « Nous avons travaillé ce projet de taille réduite avec un maximum d’innovations comme, par exemple, imaginé le recours à un immobilier “démontable” prévu pour être réutilisé d’ici une dizaine d’années ; cela peut être une solution pour accompagner la logistique des grands événements comme les Jeux olympiques qu’accueillera le Grand Paris en 2024 », souligne Jonathan Sebbane. Un possible lieu pour une messagerie urbaine ? Explosion du e-commerce oblige, le volume exponentiel de petits colis uniques impose, pour l’instant, de les préparer dans une zone de picking leur étant consacrée au sein d’entrepôts omnicanaux ou de bâtiments dédiés (comme l’entrepôt de 3 000 m² d’Amazon au nord de Paris) puis de les acheminer vers une messagerie qui les éclate pour les livrer vers des relais ou les clients finaux.

 

Une concurrence avec les promoteurs immobilier classiques

Christophe Bouthors voit arriver dans les prochaines années des messageries d’une surface de 10 à 15 000 m² au plus près des villes. « Nous allons parvenir à une logique de messagerie XXL, au lieu des bâtiments actuels très minces et longs dus au déchargement de camions et chargement de camionnettes mais qui sont en train de s’épaissir puisque les quais vont s’équiper de convoyeurs. » Le principal défi sera de trouver des terrains très grands en proximité de villes. Il s’agit du principal impact futur en termes de retour sur investissement. Car rien n’est aisé. En matière d’immobilier pur, les responsables de groupes d’immobilier logistique sont une majorité à estimer que « les immeubles pour les activités du dernier kilomètre se construisent moins vite que les innovations des e-commerçants ». La difficulté à dénicher du foncier disponible touche également de plus grands projets. « Un de nos principaux défis consiste à trouver des sites suffisamment proches des centres urbains pour lesquels nous sommes en concurrence avec les promoteurs immobiliers classiques, explique David Szendzielarz, responsable de la très récente division logistique urbaine chez P3. Un autre challenge est de sécuriser les autorisations administratives de la part des municipalités. » Le groupe P3 est en train d’investir dans des bâtiments sur sept grandes villes allemandes pour développer sa logistique urbaine. Un modèle qu’il souhaite ensuite étendre aux autres pays d’Europe où il est présent. « C’est une nécessité car un tiers de nos clients en portefeuille font du e-commerce », souligne Andrew Stacey, directeur général de P3 en France, confirmant que l’intérêt d’emplacements qualitatifs est majeur pour le groupe. Respecter l’architecture existante, ajouter des points d’eau, des équipements sportifs…

 

L’idée est désormais de créer des espaces qui répondent à toutes les fonctions s’exerçant dans la ville. « Notre objectif est de partir du terrain pour inventer de nouveaux bâtiments qui, à la fois remplissent une fonction économique pérenne, et défendent une écriture architecturale et urbaine en assumant la rupture avec les constructions traditionnelles d’entrepôts. L’emballement des flux de marchandises, et singulièrement dans les villes mondiales comme le Grand Paris, nous poussent aujourd’hui à inventer un immobilier différent pour intégrer les flux e-commerce et aussi les flux des autres filières qui font vivre la ville ; sans même parler de la nécessité de penser le coup d’après avec la gestion des flux retours (reverse logistics) », indique Jonathan Sebbane. Le foncier peut être rentabilisé avec des bâtiments à étages qui accueillent une diversité d’activités car les seules activités logistiques ne permettent pas toujours de boucler la rentabilité d’un projet, surtout au coeur du Grand Paris. Le bâtiment de Chapelle International s’élève ainsi sur deux étages en intégrant par ailleurs une gare de marchandises et un programme mixte de bureaux et d’équipements. C’est en soi un nouveau paradigme qui devient réalité. « Nous mettons au service d’un projet notre savoir-faire de concepteur en matière de logistique urbaine que nous marions avec les compétences d’autres lignes métier du groupe Quartus, que ce soit le bureau, le bureau partagé ou le coliving, ajoute Jean-Michel Frammery, directeur général de Quartus Logistique. Quel que soit son visage, la logistique urbaine est, pour nous, naturellement intégrée au coeur des villes, au sein de projets mixtes avec des problématiques de circuits courts et de développement durable. »

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