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Immobilier

Face à ses défis, l'immobilier logistique se tourne vers l'avenir

Publié le 4 février 2019

2. Des friches pour répondre à la pénurie ?

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Face aux besoins de ses utilisateurs, l’immobilier logistique se décline aujourd’hui sur de nouveaux formats parfois gourmands en terrain dans des territoires sous tension. Alors que certaines zones urbaines de l’Hexagone affichent déjà des pénuries notables du côté du foncier, d’autres tendances émergent, avec en tête la restructuration de friches industrielles.

Et si la logistique venait à manquer de place ? Si elle n’est pas aussi prégnante que dans d’autres pays européens tels que le Royaume-Uni, la question du manque de foncier est devenue un problème récurrent pour les acteurs de l’immobilier logistique, alors même que la demande d’entrepôts et de sites neufs, capables d’adresser de nouveaux modes de consommation en entrée d’agglomération, ne fait que croître. Résultat : une certaine pénurie touche déjà des zones du territoire hexagonal. « La situation est critique autour de Lyon où le foncier est devenu quasiment introuvable. Les prochaines années risquent d’être compliquées au vu de la demande. Certains bâtiments vieux de 15 ans se louent désormais au prix du neuf », analyse Didier Terrier, directeur général d’Arthur Loyd Logistique. Même son de cloche du côté de l’investisseur et développeur Segro : « Il n’y a plus de place alors que la demande est réelle. Nous travaillons donc activement sur la région lyonnaise. Nous avons pu récemment sécuriser un terrain qui sortira d’ici 2019 », précise Marco Simonetti, directeur général Europe du Sud. Si elle n’est pas aussi critique, la situation en Île-de-France présente également des difficultés, plutôt du côté administratif. La région est particulière à ce titre puisque chaque projet doit faire l’objet d’une demande d’agrément auprès de la préfecture. Moins détaillée qu’un permis de construire, celle-ci peut être difficile a obtenir. « Cela pousse certains projets à s’installer dans des départements limitrophes qui n’ont pas de contraintes de ce type : l’Oise plutôt que la Seine-et-Marne, par exemple », précise Didier Terrier.

 

Face à cette réalité, les différents acteurs essaient d’adopter une attitude prospective. « Chez Goodman, nous avons mené une grande campagne de recherche foncière et avons pu sécuriser 1 600 000 m² de terrains, ce qui nous permettra de construire près de 700 000 m² de bâtiments à terme. Mais le sujet de la disponibilité foncière devient de plus en plus sensible », explique ainsi Benoit Chappey, son directeur du développement France. Une difficulté réelle qui tient aussi à la difficulté d’intégration de la logistique dans les projets d’aménagement globaux comme l’explique Jonathan Sebbane, directeur général de Sogaris : « Développer de la logistique urbaine est trop souvent le dernier sujet auquel on pense, alors même que la demande n’a jamais été aussi forte. Une partie de notre travail est d‘aller convaincre les aménageurs d’intégrer de la logistique urbaine en amont, avec des péréquations au niveau du prix du foncier. » Une mission à laquelle le spécialiste de la logistique urbaine francilienne s’attelle en participant activement aux appels à projets du secteur, comme dans le cadre du futur hôtel logistique de Bercy-Charenton où 17 000 m² de logistique seront développés en entrée de la capitale.

 

La friche s’affiche

Mais face à cette raréfaction foncière et les difficultés à sécuriser des terrains vierges, une tendance se confirme maintenant depuis deux à trois ans : la restructuration de friches industrielles. « Tous les acteurs nous demandent maintenant de nous pencher sur ces projets de redéveloppement », explique Alexandre Fraigneau, directeur industriel et logistique pour Colliers International. « En Île-de-France, on trouve des friches placées de manière stratégique, en première couronne par exemple, au sein d’anciens sites de grands groupes industriels. » Des projets longs et complexes, soumis à des étapes supplémentaires. « Les friches présentent de vraies problématiques de dépollution, avec des coûts et des risques imprévus au fur et à mesure de la remise en état des terrains. Mais face à la raréfaction du foncier, les investisseurs s’y retrouvent », estime Damien Vernier, directeur commercial chez GSE. Un autre regard sur le sujet, que constate également Alexandre Fraigneau : « Il y a encore quelques années, quand on proposait une friche à des investisseurs, ils ne s’y retrouvaient pas, ne souhaitant pas payer le prix d’un site et d’une démolition. Aujourd’hui, ils comprennent et modifient leurs montages financiers pour inclure dès le départ cette problématique de coût de démolition, sans trop attaquer le prix du site. Sur ce sujet, nous avons le soutien d'Afilog qui fait un grand travail de présentation, pour expliquer le besoin d’entrepôts en milieu urbain et les forts potentiels qu’ils offrent en matière d’emplois ».

 

Une démarche responsable qui intéresse en tout cas les constructeurs comme Idec : « La reconversion de sites industriels permet d’éviter de construire sur des surfaces agricoles vierges, qui nécessitent des compensations de plus en plus contraignantes. Aujourd’hui, nous pouvons être amenés à gérer la déconstruction et nous souhaitons développer cette compétence pour être présents toujours plus en amont sur les dossiers et bien prendre en charge l’interface avec les autres corps de métier pour les questions de terrassement VRD (voirie et réseaux divers), par exemple », explique Tony Morais, directeur général d’Idec. Cette démarche vertueuse est dès aujourd’hui au coeur de nouveaux projets émergents. « À Moissy-Cramayel (77), nous avons travaillé à la reconversion de l’ancien site de PSA. Nous avons démantelé et dépollué un terrain de 60 hectares pour en faire un site capable d’accueillir 240 000 m² de surfaces logistiques », explique ainsi Cécile Tricault, directrice générale France de Prologis. Même efforts du côté de Goodman. (« Nous travaillons sur l’ancienne friche de l’usine de Stora Enzo à Brebières (62), qui accueillera, après démolition, un bâtiment logistique de près de 70 000 m² »), détaille Benoit Chappey ou encore de Segro dans le cadre de son Logistics Park à Aulnay-sous-Bois (93) sur un ancien site de PSA, ou à Mitry-Mory (77), friche industrielle requalifiée pour le compte de Metro. « Face à l’absence de terrains, donner une seconde vie à d’anciens sites industriels a beaucoup de sens », juge Marco Simonetti.

 

À Bonneuil-sur-Marne, Virtuo se veut vertueux

Autre acteur de cette réinvention du tissu industriel : le développeur Virtuo. Sur le port de Bonneuil-sur-Marne dans le Val-de-Marne, c’est un centre multimodal de distribution urbaine de 18 000 m² qui est en train d’être construit sur une ancienne friche. Prévu pour être achevé au premier trimestre 2019, ce bâtiment classe A de dernière génération a été spécialement développé pour la logistique du dernier kilomètre. Composé de trois cellules de 6 000 m², il offrira des possibilités d’expédition par la route mais aussi de multiples solutions multimodales, permises par les infrastructures du port de Bonneuil-sur-Marne (transport fluvial et maritime évidemment mais également solutions ferroviaires). Un nouveau site dont l’implantation a été permise par un travail de réhabilitation en amont de l’ancienne usine d’un équipementier automobile américain, fermée en 2010. « Nous avons acquis le terrain et avons effectué la remise en état », explique Éric Fuchs, directeur de l’agence Seine-Amont, Haropa Ports-de-Paris. « Nous avons mené un grand chantier de démolition et de dépollution des sols, complexifié par la présence d’amiante dans le bâtiment. Le chantier en lui-même a pris environ trois mois mais la préparation a nécessité plus de deux années afin de réaliser les diagnostics nécessaires et de choisir le mode de dépollution adéquat ».

 

Un long travail en amont qui a permis de rendre accessible à la logistique un site particulièrement avantageux de par sa position, à seulement 8 km de Paris et proche des grands axes de circulation. « Aujourd'hui, il n'y a plus de terrains vierges à une telle proximité de la capitale, il faut forcément aller travailler sur les friches industrielles. C'est un domaine dans lequel nous nous spécialisons depuis plusieurs années. Pour nous, des projets vertueux et responsables comme celui-ci représentent l’avenir », estime Grégory Blouin, président de Virtuo. Et l’intérêt des utilisateurs est là : Virtuo a déjà loué la moitié du bâtiment pour le compte de la société Distribike, spécialiste de la logistique des deux roues.

 

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