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Économie circulaire : la transition logistique en marche

Publié le 20 avril 2020

2. Une collaboration nécessaire

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Pour parvenir à ces différents modèles, une collaboration et une synergie entre les acteurs de la chaîne est de toute évidence primordiale. Jusqu’aux collectivités territoriales. « Les échelles régionales, départementales et communales doivent être complémentaires et assurer l’optimisation des systèmes de mobilité existants. Les solutions mises en avant par l’économie circulaire offrent des avantages directs aux territoires : réduction des nuisances sonores, des problèmes de congestion, des accidents, de la consommation d’espace, des pollutions des eaux et sols, attractivité des territoires, etc. », juge Nathalie Boyer. Il ne peut ainsi exister d’économie circulaire sans qu’une forme de collaboration n'émerge, qu’elle passe par un partage d’informations ou par une mise en commun de process avec les acteurs en amont et en aval de la chaîne : « On ne fait pas d’économie circulaire tout seul sauf si on pilote un circuit de façon totalement autonome ! C’est le cas de certaines entreprises qui utilisent des emballages en pool fermé », détaille Julien Darthout. Il s’agit de déterminer de manière globale les stratégies à mettre en place avec ses partenaires. « Nous intervenons pour réfléchir aux critères les plus pertinents : est-ce qu’ils sont environnementaux, pratiques et techniques, plutôt sur l’aspect social RH ou global RSE… ? Quels vont être les meilleurs projets dans une logique d’amélioration continue ? Dans la logistique, cela va concerner l’organisation des flux de transport, les outils d’aide à la décision sur les tournées, la mutualisation, les plateformes inter-entreprises sur un territoire pour livrer les mêmes clients, la création de GIE (groupement d’intérêt économique) autour du transport… », détaille Fanny Pénet. En n’oubliant pas que toutes ces démarches ont évidemment un critère économique à prendre en considération.

 

Gagner en performance

Car la question est bien de pouvoir rendre le modèle rentable pour les industriels. C’est déjà le cas, notamment lorsque l’entreprise a fondé son modèle économique sur un concept circulaire, à l’image de la start-up Magic Pallet, lauréate des API du Club Déméter en 2019 et qui se présente comme une plateforme d’échange de palettes Europe en ligne : « La palette est l’exemple même d’un emballage circulaire qui a trouvé son modèle économique », observe Julien Darthout. De fait, la plupart des industriels ne s’intéressent vraiment à l’économie circulaire que s’ils y voient des intérêts. « Un groupe industriel avait énormément de déchets chimiques qui coûtaient cher à éliminer. Je l’ai aidé à trouver des clients intéressés pour utiliser ces déchets comme des matières premières », témoigne Rémy Le Moigne. Ce dernier observe de « vrais gisements d’économie » dans le modèle circulaire qu’il s’agit de mettre à jour pour atteindre une rentabilité de ses activités. « Je collabore également avec les directions achats pour analyser de quelles manières l’économie circulaire pourrait les aider à réduire leurs coûts », témoigne-t-il. Le cheminement passe également par une remise en cause du modèle en place : ne plus acheter le produit mais son usage. « Beaucoup d’entreprises commencent à réfléchir à cette question : “Est-ce que je dois absolument posséder ? Est-ce que j’ai besoin de la dernière machine ou est-ce que je vais la sous-traiter à un de mes fournisseurs partenaires ?” La notion de durée de vie, d’utilité, d’usage, a beaucoup été remise en question », confirme Fanny Pénet.

 

Son cabinet de conseil en fait la base de son discours rappelant à ses clients que les démarches mises en oeuvre, visent avant tout à répondre à un projet d’entreprise en lien avec son activité économique afin de répondre à la question : comment pérenniser l’existence de la société dans un monde aux ressources limitées ? Intégrer et travailler à un schéma d’économie circulaire consistera alors à réaliser une analyse des risques et à identifier les opportunités en corollaire : mieux se connaître pour mieux anticiper les tendances et les contraintes de demain afin de gagner en performance et d’assurer la survie de l’entreprise. « Bien souvent celle-ci ne sait pas quels objectifs elle peut se fixer, poursuit Fanny Pénet. Notre travail consiste à lui demander si elle connaît l’état actuel de ses consommations et déchets : stables, en augmentation… ? Sur quoi peut-on agir ? C’est la première étape avant de parler d’économie circulaire. Il y a encore beaucoup de progrès à réaliser pour atteindre ce niveau de maturité ».

 

Des freins à lever

Pour entreprendre cette transition vers l’économie circulaire, une meilleure compréhension des enjeux, une sensibilisation et un accompagnement pédagogique apparaissent ainsi primordiaux. Car si les entreprises peuvent et doivent trouver de nouveaux modèles profitables qui se distinguent d’une économie linéaire, encore faut-il qu’elles prennent la mesure de l’importance du défi à relever et des moyens pour y parvenir. Une prise de conscience d’autant plus nécessaire que les défis à surmonter restent nombreux. De potentielles difficultés listées par Justine Bain-Thouverez : « On ne sait pas toujours qui doit assurer concrètement la gestion du déchet entre le producteur du produit, l’importateur, le distributeur etc. », indique-telle. Les freins sont également visibles au niveau de la collecte du déchet : « Cela revient souvent moins cher de jeter sans tri, que de trier ou de faire appel à un éco-organisme qui doit se déplacer pour récupérer le déchet ». L’avocate note par ailleurs un « manque d’informations et de formation des salariés ou autres acteurs directement concernés sur le sujet : tri des déchets, aides mises en place… ».

 

Le processus de recyclage demeure par ailleurs complexe, certains déchets nécessitant une gestion particulière qui va ensuite se répercuter sur les coûts de gestion. La démarche de recyclage, lorsqu’elle impose le démontage d’un produit arrivé en fin de vie, peut en outre créer quelques sueurs froides : « Pour des raisons de propriété intellectuelle les fabricants de produits neufs ne facilitent pas, ou rarement, l’accès aux plans de leur équipement qui simplifient en aval le travail des recycleurs », détaille Rémy Le Moigne. Toujours sur le recyclage, Fanny Pénet voit également un écueil au niveau de la réglementation : « Lorsqu’une entreprise met un nouveau plastique sur le marché, celui-ci doit passer par un processus de certification tellement complexe qu’il constitue un frein énorme. Il faut donc se questionner sur la manière de faire évoluer la réglementation pour qu’elle corresponde bien à une réalité et aux possibilités du marché ». Autre élément complexe, celui de la traçabilité, jugée essentielle dans le processus circulaire : « Le suivi des déchets peut être très difficile en pratique : manque de collaboration entre les différents acteurs, manque de rigueur, pas de contrôle mis en place ou peu fiable… », note Justine Bain- Thouverez avant d’interroger plus précisément le contenu du projet de loi : « L’article L541-10-6 du code de l’environnement, modifié par le projet de loi contraint le distributeur. Mais est-ce que cela est réalisable en pratique ? ». Face à ces défis qu’il est nécessaire de préciser puis d’embrasser, des actions se mettent déjà en place chez les acteurs du secteur, prouvant la vitalité d’une filière motrice, prompte à conduire le changement

Focus

La data, une ressource précieuse

Pour parvenir au niveau de maturité nécessaire pour répondre aux enjeux de l’économie circulaire et permettre une mise en oeuvre efficiente, le recours à la data peut constituer une aide précieuse. Notamment via le suivi de bout en bout du parcours des matières. « La traçabilité du déchet permet aussi de faciliter sa collecte et son traitement. Un meilleur suivi du produit et donc du futur déchet est aussi un pas vers la démarche globale d’économie circulaire. Pour cela, il faut un suivi précis, des possibilités de traçabilité et des solutions logistique à jour », estime Justine Bain-Thouverez. Une donnée qui devient ressource également dans le cadre de process de planification, d’ordonnancement et de gestion des stocks pour la reverse logistics. « Il est difficile de planifier le moment où les produits usagés et les déchets arrivent, ce qui rend la logistique inverse souvent peu performante. Une des solutions consiste ainsi à mieux gérer les données (quantité, qualité, localisation) sur ces marchandises à récupérer. C’est un sujet clé pour avancer », explique Rémy Le Moigne. Pour preuve, l’organisation de standardisation GS1 plaçait la 14e édition de son Université d’été sous le thème « L’économie circulaire peut-elle se passer de données ouvertes ? ».

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