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L'immobilier logistique s'engage pour la performance environnementale

Publié le 9 décembre 2021
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Signée fin juillet 2021, la Charte d’engagements réciproques pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique marque une étape importante dans l’engagement des acteurs du secteur, souhaitant accentuer le développement de sites plus responsables tout en restant au plus près des attentes du marché.

Si le sujet revient désormais avec insistance dans les réflexions de politique publique, le monde de la supply chain n’a pas attendu contraintes et propositions de loi pour réfléchir à son impact environnemental, tout particulièrement chez les acteurs de l’immobilier logistique. Mais parfois décriée, souvent caricaturée, la figure de l’entrepôt se conjugue rarement avec durabilité et décarbonation aux yeux du grand public et de certaines collectivités. Pourtant, des efforts ont déjà été menés par le secteur sur ces sujets, malgré son impact pourtant modéré, avec par exemple une part d’artificialisation inférieure à 1 % au niveau national, loin derrière les logements ou infrastructures routières. Et depuis sa création il y a vingt ans, initiée à l’époque autour des problématiques des Contrats de performance énergétique (CPE), Afilog, association professionnelle des métiers de l’immobilier logistique, a multiplié les initiatives dans le sens de projets plus verts. « Nous avons réalisé la première enquête sur la performance énergétique des bâtiments logistiques en 2012. La sensibilité sur ces sujets a donc toujours été présente. Cependant, nous n’avions jamais vraiment communiqué sur nos efforts auprès des acteurs de la sphère publique, et encore moins de façon unie et collective. Il était nécessaire de montrer que l’ensemble du secteur était engagé sur ces sujets environnementaux », raconte Diana Diziain, directrice déléguée d’Afilog.

 

Définir un nouveau standard pour la profession

Dans ce sens, l’association a donc décidé, en octobre 2020, d’écrire au Premier ministre pour lui proposer la création d’un Pacte qui permettrait de définir des engagements forts de la part de la profession autour des problématiques environnementales. « L’idée était de signer un document avec l’État qui puisse être réciproque. D’un côté, le secteur pourrait bénéficier d’une meilleure maîtrise des délais de construction. De l’autre, nous accélérerions et amplifierions nos engagements pour l’environnement en définissant un nouveau standard pour la profession, s’appuyant sur des solutions déjà éprouvées et testées », détaille Diana Diziain. Lors de la première édition du Cilog, le comité interministériel de la logistique, en décembre 2020, décision a donc été prise de s’appuyer sur l’organisme France Logistique pour avancer sur cette proposition. « Nous avons reçu mission du gouvernement de travailler, aux côtés de France Stratégie, avec les acteurs privés de l’immobilier logistique pour que ceux-ci prennent volontairement les engagements les plus ambitieux possibles, pour une implantation logistique écologiquement et économiquement performante en France. En raison du rôle des pouvoirs publics dans ces implantations (via la réglementation en matière d’urbanisme et d’environnement, ou l’accès au foncier), il a été prévu dès le début que les engagements de la filière seraient accompagnés d’engagements de l’État pour les rendre faisables », détaille Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique.

 

La lettre de mission a été signée en mars 2021, les travaux débutant dans la foulée. Sur cette période, France Logistique se félicite d’échanges constructifs, avec des objectifs partagés entre les interlocuteurs : « L’intérêt général est de développer des entrepôts capables de créer de la valeur sur notre territoire en matière d’emplois ou de fiscalité, tout en réduisant les effets écologiques négatifs de la chaîne logistique par rapport à une installation à l’étranger. Les professionnels signataires sont favorables à ce que les bâtiments assurent un haut niveau de qualité environnementale, puisqu’ils s’engagent même au-delà de la réglementation. Les demandes concernent plutôt l’optimisation des délais et les conditions de mise en oeuvre », juge Anne-Marie Idrac. Après ces négociations, la charte a finalement été signée le 28 juillet 2021 entre l’État et un large ensemble de membres d’Afilog. De nouveaux signataires ont ensuite rejoint la charte, lors du salon SITL en septembre 2021, puis à l’occasion de la deuxième édition du Cilog en octobre 2021, portant à ce jour le nombre d’acteurs engagés à 53 entreprises, réunissant constructeurs, développeurs, architectes, cabinets de conseil ou même logisticiens en charge de leur propre développement immobilier. « Cette charte entraîne dans son sillage la quasi-totalité de notre industrie, ce qui lui confère une réelle légitimité. Elle démontre la mobilisation des intervenants et leur capacité à créer des outils efficaces et respectueux des écosystèmes. C’est également une tribune offerte aux professionnels pour expliquer et démontrer leur engagement dans une démarche responsable. L’entrepôt est un laboratoire extraordinaire pour mettre en oeuvre des procédés nouveaux et des modes constructifs innovants », estime Bruno Montigny, Senior advisor supply chain & logistics Solutions chez JLL France, signataire de la charte.

 

Concilier durabilité et rentabilité

Si le plus clair de la charte insiste sur le travail que le secteur doit mener en faveur de la transition écologique de ses actifs, son titre résume bien l’équilibre à atteindre, en conciliant la performance environnementale mais aussi économique. « Il faut traiter ces deux angles en même temps et ne pas créer de dichotomie, car la compétitivité est un objectif qui passera aussi par l’intégration de ces problématiques environnementales », note Diana Diziain. Un avis partagé par Salvi Cals, directeur général de la filiale française du développeur Panattoni, mais également co-pilote (aux côtés d’Olivier Barge, vice-président et directeur des projets pour l’Europe du Sud chez Prologis) du comité de suivi des engagements pris dans le cadre de la charte : « Ma conviction, c’est qu’une rentabilité peut être trouvée sur nos projets environnementaux. Il y a par exemple un vrai intérêt chez les investisseurs et les utilisateurs pour s’installer sur les terrains déjà artificialisés, malgré les surcoûts. Marier ces deux aspects est une des clés de la réussite future ».

 

Du côté du gouvernement, on se félicite du résultat de ce travail concerté, qui doit être pris comme une base pour les échanges futurs : « Ces engagements sont dans la dynamique initiée il y a deux ans avec la publication du rapport Daher-Hémar puis le lancement de France Logistique. Il est crucial de replacer la logistique sur l’échiquier de la compétitivité industrielle française. Le message important, pour nous du côté de l’État, c’est la façon dont nous avons abouti à cette charte qui vient en complément d’un certain nombre de mesures législatives déjà existantes. Cela montre que l’on n’est pas obligé de passer par un vecteur législatif ou règlementaire pour produire des avancées », déclarait Geoffroy Cailloux de la Direction générale des entreprises lors de la présentation de la charte à la SITL en septembre dernier. Pour le secteur, ce document entérine une volonté partagée de développer des implantations logistiques de plus en plus performantes. « C’est l’aboutissement de plusieurs mois de travaux, mais c’est surtout une démarche à poursuivre », résume Anne-Marie Idrac.

 

Créer un référentiel pour aller plus loin

Les engagements de la charte se divisent en six grandes rubriques. Parmi celles-ci, on trouve la question de la neutralité carbone et de la performance environnementale du bâti. Mais comment suivre les objectifs fixés par le gouvernement dans le cadre du récent décret tertiaire sans document dédié à la logistique, capable de définir l’empreinte carbone d’un entrepôt ? Dans ce cadre, les signataires se sont engagés à établir, d’ici la fin de l’année 2021, un référentiel de calcul et d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre des entrepôts. Un travail pour lequel Afilog a décidé de s’appuyer sur l’expertise du CSTB, le centre scientifique et technique du bâtiment, afin de définir une méthodologie précise : « Nous manquons encore de méthode sur le sujet. Comment peut-on déterminer si un projet est carbone neutre, objectif auquel devront répondre tous les entrepôts d’ici 2040 ? Les acteurs du secteur ont déjà des idées et des initiatives, mais il nous faut des outils scientifiques de suivi », note Diana Diziain. En effet, si des référentiels existent sur le sujet pour l’immobilier résidentiel ou de bureau, les travaux dédiés à la logistique sont encore rares : « Cela est symptomatique d’une absence de réflexion autour de l’activité logistique en France, car le monde du transport de marchandises reste un parent pauvre de la recherche académique. La première étape sera donc de créer ce référentiel d’ici la fin de l’année 2021 pour pouvoir l’utiliser dès l’année prochaine. On ne construira pas uniquement des bâtiments zéro carbone d’ici 2022, mais notre métier progresse par l’amélioration constante de nos pratiques. On a divisé la consommation des bâtiments par quatre via les éclairages Led en quelques années, ce qu’aucun autre secteur immobilier n’a fait. Chaque petit pas nous amène plus loin », estime Salvi Cals.

 

Le travail sur l’impact des sites passera aussi par un engagement à couvrir en moyenne 50 % de la surface de toiture utile des entrepôts avec des panneaux photovoltaïques dès l’année prochaine, avec une facilitation à l’installation de ces équipements, ainsi que la volonté que tous les projets d’entrepôts déposés au 1er janvier 2022 soient systématiquement certifiés : HQE, Breeam ou Leed. La charte insiste également sur le travail à mener pour la gestion des eaux, avec la nécessité pour les permis de construire déposés à partir de 2023 d’infiltrer 100 % des eaux pluviales, ainsi que sur la biodiversité, avec la mise en place systématique d'études écologiques pour tous les projets supérieurs à 20 000 m2 d’emprise au sol et la conservation de la végétation existante du terrain « lorsque celle-ci ne figure pas dans l’emprise du bâtiment et des voiries ». Sur les terrains, des haies champêtres devront être plantées sur 50 % de la limite de propriété, avec des essences favorables aux pollinisateurs, et la mise en place de refuges pour la faune.

 

Un accès facilité vers les friches

Autre grande thématique de la charte, celle de l’accès aux friches pour le monde de la logistique, dans le cadre d’une réduction drastique de l’artificialisation des sols. « Ces actifs sont situés dans des zones d’activité anciennes, plus facilement accessibles pour les salariés, mieux desservies, et plus proche du coeur des métropoles. Dans les logiques omnicanales qui se développent aujourd’hui, on voit bien que faire ces efforts pour la réhabilitation d’anciennes zones industrielles est positif pour nos clients », explique Salvi Cals. Les signataires se sont ainsi engagés à ce que « les projets d’entrepôts dont les permis de construire sont déposés à partir du 1er janvier 2022 soient implantés sur une friche plutôt que sur des terres non artificialisées ou en extension du tissu urbain existant », afin d’éviter autant que possible « tout projet d’entrepôt générant de l’artificialisation des sols ». En contrepartie de ces efforts, l’État s’engage lui à poursuivre sa démarche d’identification de sites dits clé-en-main à destination de l’immobilier logistique. Ce travail, antérieur à la charte, avait donné lieu à un premier appel à projets strictement industriel l’an dernier. Depuis, Afilog a travaillé avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires, pilote de cette démarche, pour y intégrer des terrains tournés vers la logistique. Une collaboration qui a donné lieu à une deuxième vague de projets clé-en-main en septembre 2021, avec 49 nouveaux sites capables d’accueillir des activités industrielles ou logistiques. Autre initiative du gouvernement, dévoilée lors de la deuxième édition du Cilog fin octobre, la mise en lumière de 49 zones appelées « Territoires de logistique » : 33 d’entre elles pourront accueillir immédiatement des activités, les études ayant déjà été réalisées, tandis que les 16 autres viennent de l’appel à projets régionaux du fonds « friche ». Ces 49 emplacements couvrent la majeure partie du pays, principalement dans l’Ouest, le Nord et des grands pôles autour de Paris et de Marseille. « Cette cartographie a vocation à évoluer si certains sites clé-en-main ne semblent pas idéaux », avait précisé la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher lors du dernier comité interministériel d’octobre 2021.

 

« Le propre d’un projet industriel ou logistique structurant est de ne souffrir aucune approximation en terme de délai, ou de risque. L’identification de ces territoires de logistique est extrêmement utile dans la mesure où elle vient flécher des localisations précises, et limiter le risque qu’un projet ne puisse aboutir », estime Bruno Montigny. Tous ces efforts entrent en résonance avec l’un des autres grands points de la charte : la simplification lors de l’instruction des dossiers. Ainsi, l’État s’est fixé pour objectif de respecter « les délais des procédures d’enregistrement et d’autorisation », tout en rationalisant le nombre de demandes de compléments. Un bilan annuel des délais d’instruction pour les entrepôts ICPE sera rendu public. « Les services de l’État s’engagent à accompagner les porteurs de projets dans la compréhension de la réglementation afin d'optimiser au mieux les délais des procédures, et ainsi d’améliorer les performances économiques de l’implantation logistique », détaille Anne-Marie Idrac. Afilog va ainsi mettre en place, pour les projets qui rentrent dans le cadre de la charte, un tableau de suivi, afin de s’assurer que l’État respecte ses engagements concernant les demandes d’autorisations. « Nous travaillons avec le gouvernement et la sphère publique sur la façon dont nous allons pouvoir suivre leurs engagements, avec sans doute un groupe de travail paritaire qui rendra compte des avancements de chacun », explique Diana Diziain.

 

Une charte qui doit être amenée sur le terrain

Pour les acteurs de l’immobilier logistique, la signature de cette charte est donc une belle réussite. « Il est unique de voir une filière s’engager aussi fortement, avec l’État à ses côtés. Cette réciprocité montre l’importance du secteur et des problématiques qui lui sont attachées, mais aussi la confiance qui s’est construite entre la sphère publique et l’ensemble des acteurs privés », souligne Salvi Cals. Reste un dernier défi, de taille : la territorialisation de la charte, car ses engagements ne pourront être mis en pratique qu’avec le concours des collectivités territoriales. Le gouvernement s’est déjà engagé à initier des conférences régionales de la logistique, sortes de déclinaisons locales du Cilog, dont la première édition a eu lieu début décembre en région Franche-Comté, pour « répondre aux besoins des territoires en immobilier logistique tout en conciliant les enjeux environnementaux et économiques », explique Anne-Marie Idrac. L’idée étant ensuite d’aller à la rencontre des territoires pour rentrer dans un dialogue avec les échelons administratifs les plus cruciaux : les régions ou les intercommunalités. « Nous avons signé cette charte, mais l’État ne va pas dire aux collectivités ce qu’elles doivent faire. Sur chaque territoire, il faudra faire du sur-mesure et négocier l’intégration des besoins logistiques dans les démarches de planification, avec la sécurisation de capacités foncières pour accueillir des espaces logistiques. Cela impliquera sans doute de revoir certaines copies et de débattre de l’armature logistique dont chaque territoire a besoin, en relation avec ses projets d’habitation par exemple. Il faudra définir les flux de proximité qui devront être mis en place face aux évolutions et projets des territoires. Nous voulons aller au-delà des démarches de sensibilisation, et être plus concrets », détaille Diana Diziain. Pour cela, il faudra convaincre et avoir des relais au coeur des territoires.

 

Un exercice complexe tant, en dehors des zones traditionnelles, les acteurs du secteur font parfois face à des refus nets à la moindre évocation d’implantations nouvelles. Pourtant, les choses changent : indispensable à la vie quotidienne des habitants, source d’emplois, la logistique est aujourd’hui accueillie plus chaudement par les collectivités. Un regard globalement positif, aidé en partie par la crise sanitaire qui a su démontrer l’importance du secteur au coeur de l’activité économique et de la vie quotidienne du pays. « C’est un moteur de la réindustrialisation de la France, et on voit de plus en plus de sollicitations pour discuter de stratégies logistiques au niveau local », confirme Salvi Cals. « C’est le pari du gouvernement de jouer une approche partenariale avec les acteurs du marché plutôt que d’imposer une réglementation contraignante, qui réduit les investissements. Nous espérons poursuivre cette approche sur le terrain. »

 

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