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Les nouvelles facettes de la palette

Publié le 15 octobre 2020
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Au cours de la crise sanitaire, le caractère essentiel de la palette a été reconnu et les acteurs de la filière ont su montrer leur adaptabilité. Suite à cet épisode inédit, les axes de développement se sont renforcés autour des enjeux de développement durable, de digitalisation et de traçabilité.

Comme tous les acteurs de la supply chain, les entreprises de la palette auront appris de la pandémie mondiale. Souplesse et agilité ont été les maîtres-mots pour venir répondre aux besoins et assurer le service malgré des flux chaotiques. « De façon générale, dans toute crise il y a du bon, et celle-ci a eu le mérite de mettre en avant l’existence et l’utilité de la palette, comme maillon essentiel de la chaîne logistique auprès du grand public », estime Jean-Philippe Gaussorgues, qui revêt plusieurs casquettes : président de la Commission Palettes Sypal de la FNB, président d’Epal France, vice-président d’Epal International et également directeur des comptes stratégiques du groupe PGS, fournisseur de palettes. Celui-ci observe une filière capable de se structurer et de réagir promptement, l’ensemble des adhérents de la Sypal ayant su demeurer présents durant la crise sanitaire, certains en mode plus ou moins dégradés selon leur secteur d’activités. « Au niveau logistique, nous avons subi quelques légères tensions au départ car nous manquions de camions sur les routes mais tout est rentré dans l’ordre dans les premiers jours d’avril, confirme Michael Modugno, vice-président fondateur du groupe PGS. Notre métier consiste à s’adapter en permanence : nous avons dû être davantage présents et réactifs pour les clients de l’agroalimentaire et du secteur pharmaceutique. Ils avaient des pics de consommation très importants et nous avons décidé de ne pas compromettre leurs activités hautement stratégiques en livrant coûte que coûte, plus souvent, en moins grande quantité ». Le spécialiste de la location-gestion de palettes LPR-La Palette Rouge, division du groupe Euro Pool, a également fait face à une très forte demande de la part de la grande distribution : « Nous avons dû approvisionner certains clients sans qu’il y ait eu de prévisions de fortes augmentations de volume d’activité. Cette période a permis de prendre conscience que la palette LPR, "simple " support de manutention et outil de production, de conditionnement et de distribution, était primordiale ! Cela redore un peu la valeur du produit et beaucoup de nos clients nous ont félicités et remerciés de les suivre », souligne Hervé Fourcade, directeur commercial de LPR France.

 

Si la reconnaissance du caractère primordial du métier aura constitué un soulagement et un encouragement pour la filière, cette dernière aura néanmoins vu son travail se complexifier, aux prises avec une demande bouleversée intégrant baisses et pics d’activité. « Cette situation a augmenté la fréquence de livraison. Nous avons très rapidement dû nous mobiliser en gestion de crise au niveau de la planification de flux en anticipant différents scénarios pour pouvoir répondre présents auprès de tous. Il a fallu livrer les industriels mais aussi être très rapides pour ramasser les palettes chez les distributeurs », relate Latifa Gahbiche, PDG de Chep France, fournisseur de palettes basé sur un mode de fonctionnement en location-gestion (pooling). Pour Didier Maréchal, responsable retail France de la société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de palettes et containers en plastique Smart-Flow, la crise sanitaire aura par ailleurs contribué à confirmer et renforcer les besoins en palettes plastique dans certains secteurs : « La pharmacie ou bien l’agroalimentaire dans son ensemble, des abattoirs aux transformateurs jusqu’à la commercialisation de la viande…, sont devenus de plus en plus demandeurs et consommateurs pour ce type d’emballages, que ce soit en “one-way” [livraison d’un point A à un point B sans effectuer de retour] ou bien pour assurer des rotations », décrit-il.

 

La digitalisation au service de la collaboration

Face à cette pandémie, le secteur, qui aura fait montre de sa capacité d’adaptation et de collaboration, se sera également appuyé sur la technologie pour rendre sa tâche moins ardue. « Notre communication est facilitée par le digital qui nous permet d'être en relation quotidienne avec nos clients, avec nos centres de services et avec les plateformes de distribution. Aujourd'hui, ils ont accès directement à nos portails informatiques pour leur gestion de stock, leurs activités, leurs KPIs... », confirme Hervé Fourcade. « Notre proximité avec nos clients, nos partenaires recycleurs, les transporteurs et les plateformes de la grande distribution, a joué tous azimuts. Nous avons énormément communiqué au travers du digital, ce qui a permis d’accélérer et de fiabiliser les données et les échanges. Notre flexibilité nous a permis de jongler à l’intérieur de notre pool, pour identifier où étaient les palettes disponibles afin d’honorer toutes les livraisons », poursuit Fabrice Chenut, directeur des ventes France/Ibéria du prestataire de services Paki pour la gestion, la fourniture et la relocalisation de palettes Europe et de conteneurs échangeables standardisés. Les axes de développement de l’entreprise tendent d’ailleurs à poursuivre le travail déjà amorcé avant la crise, autour de la numérisation au service de la simplification du processus d’échange de la palette Europe. Sa dernière solution en date, Drop&Drive, lancée début 2020, est aujourd’hui 100 % opérationnelle sur la France et l’Allemagne. Destinée aux transporteurs et fournisseurs de services logistiques, elle vise à faciliter les étapes de restitution des palettes grâce à la géolocalisation des stations de déchargement (les Paki Spots), et à la validation électronique lors du retour des palettes. Une application pour mobiles et ordinateurs faisant suite au e-Voucher, en déploiement chez Lidl depuis un an et demi : grâce à son code unique, ce bon palette digital émis par l’enseigne de distribution et transmis de façon électronique, permet aux utilisateurs de créditer le nombre de palettes correspondant sur leurs compte palettes Paki.

 

Ce mouvement de numérisation est également appelé de ses voeux par Thierry Sustar, directeur commercial d’Opalean, plateforme collaborative dédiée aux palettes Europe : « Le terme digitalisation peut encore inquiéter et faire craindre un projet complexe, au long cours, alors que des choses simples peuvent être mises en place. Un industriel peut facilement adresser 100 transporteurs, ce qui signifie 100 fichiers Excel à envoyer mensuellement pour valider des comptes ! Notre plateforme digitalise cette partie en réconciliant le flux physique avec le flux informatique de comptabilité palette. Notre objectif consiste à rompre avec les usages en silo pour créer une communauté d’échanges en interconnectant industriels, chargeurs, distributeurs, transporteurs et prestataires logistiques via un compte unique partagé sur la plateforme ». Aujourd’hui, la société poursuit les développements déjà amorcés avant la crise, travaillant à interfacer ses systèmes d’information avec un ensemble de partenaires relocalisateurs ainsi qu’à mettre à disposition de ses clients un portail de gestion en tour de contrôle optimisé pour des clients multi-sites.

 

Chez Chep, après avoir lancé il y a deux ans myChep, portail digital dédié à la gestion et au pilotage des flux, par lequel transitent aujourd’hui plus de 85 % de ses commandes, le fournisseur de palettes s’est également penché sur la question du tracking : « Notre TMS nous permet de communiquer avec les transporteurs pour les commandes et de prendre des rendez-vous sur les sites. Et nous sommes d’autre part en train de développer et de mettre en place une application mobile permettant de suivre en temps réel les chargements et déchargements des camions pour pouvoir simplifier les tâches administratives des exploitants. En développement jusqu’alors sur quelques sites en France, nous sentons dernièrement nos clients de plus en plus enclins à adhérer à cette technologie », décrit Latifa Gahbiche.

 

De l’importance de la traçabilité

Le spécialiste de la conception et la fabrication de palettes plastique et de containers Craemer mise quant à lui sur la traçabilité complète des matières utilisées : « Dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons, il est important que la matière utilisée soit tracée à 100 % ce qui est le cas des produits Craemer, y compris les régénérés. Nous regénérons en effet notre propre parc de produits cassés, repris ou abîmés chez des clients pour afficher une traçabilité complète des matières que l’on utilise », explique Cyril Wahl, directeur commercial Craemer France. S’agissant de la traçabilité des palettes, lorsque cette option est demandée par les clients, elle est réalisée sous forme de tag ou d’étiquettes RFID « qui, une fois installés sur nos palettes, permettent un traçage complet pendant le transport des produits », poursuit-il. De son côté, Smart-Flow travaille déjà depuis quelques années avec plusieurs acteurs dans le domaine de la traçabilité, notamment des fabricants d’étiquettes ou des intégrateurs de solutions : « Sur l’ensemble de nos produits, un emplacement spécifique est prévu systématiquement pour pouvoir y intégrer aussi bien des étiquettes code à barres que RFID, de manière à suivre et tracer les palettes plastique en circuit ouvert ou fermé. Nous étudions également la possibilité dans un futur proche de pouvoir intégrer directement des puces RFID dans nos palettes », détaille Didier Maréchal.

 

Et cet accès à l’information en temps réel doit venir directement s’inscrire dans une optique de développement durable, rappelle Pierre-Édouard Robert, fondateur de la plateforme collaborative d’échange de palettes Europe MagicPallet, qui compte à ce jour une communauté de 150 entreprises (transporteurs, distributeurs et industriels) pour environ 850 000 palettes relocalisées : « Il ne s’agit pas de faire du digital pour se faire plaisir, mais de favoriser le réemploi, la réduction des coûts, le partage…», déclare-t-il. La réduction de l’impact environnemental figure à ce titre dans l’ADN de la société qui vient de signer en juin 2020 un partenariat de co-distribution avec la plateforme de connexion entre chargeurs industriels et transporteurs, Fretlink. Une collaboration intégrant pleinement sa stratégie de réduction des kilomètres parcourus inutilement pour relocaliser les palettes. Parmi les grands axes de réflexion de MagicPallet figurent par ailleurs les notions de tracking et de géolocalisation : « Les gros chargeurs ou transporteurs se lancent de plus en plus sur ces dispositifs à deux niveaux. Pour leurs supports les moins chers (palettes), ils permettent d’avoir connaissance des disponibilités en temps réel ; pour les plus onéreux (conteneurs, rolls), ils offrent la possibilité de savoir où se trouve le matériel afin d’éviter le vol, et favoriser le réemploi dans leur propre réseau, en circuit fermé ». Autre champ des possibles en cours d’étude : celui de la reconnaissance visuelle. Basée sur l’intelligence artificielle, elle vise à l’identification de la qualité et au comptage automatique des supports de manutention dans la cour d’un transporteur. Le tout après avoir simplement fait le tour de son stock avec son mobile : « L’ensemble de ces données serait ensuite mis à jour sur les profils de MagicPallet, conduisant à un gain de temps considérable », poursuit Pierre-Édouard Robert. Des pistes d’innovations qui préfigurent l’avenir de la filière palette, toujours en quête de productivité au sein d’un environnement vertueux.

 

Intégrer l’aspect RSE

Inscrits dans le modèle d’économie circulaire, les acteurs de la palette réutilisable et recyclable travaillent à l’amélioration constante de la gestion des flux de cette dernière, dans un souci d’optimisation économique et écologique. « Il s’agit d’accompagner nos clients dans la gestion de leur parc avec un système de récupération et de réutilisation. Souvent ce sont des clients multi-sites, multi-pays. Nous leur proposons donc ce système de reverse logistics pour leur permettre de ne plus considérer leur palette comme un support à usage unique », explique Éric Demé, directeur général de PGS Reverse. Un axe fort, développé par PGS depuis dix ans et qui enregistre un intérêt croissant selon l’entreprise. « Nous avons beaucoup travaillé sur la partie reverse qui nous permet de mutualiser notre logistique avec celle de nos clients afin de limiter les kilomètres à vide, ainsi que sur l’éco-conception », poursuit Michael Modugno. Cette stratégie a notamment conduit l’entreprise, qui intègre à 360° les activités autour de la palette, de la plantation de l’arbre jusqu’au recyclage en passant par les scieries et les usines de fabrication de clous, à développer sa palette Eco PGS, « un clone de la palette Epal mais avec un volume diminué, c’est-à-dire qu’elle résiste à la même charge qu’une palette Europe mais avec 15 % de bois en moins ». Thierry Sustar, chez Opalean, observe à cet égard un changement des mentalités : alors qu’il y a peu, les demandes de ses clients visaient prioritairement l’aspect ROI afin d’optimiser l’usage de leur pool de palettes pour qu’il coûte le moins cher possible, de plus en plus de projets intègrent désormais la RSE : « Leur volonté est d’être les plus vertueux possible en réduisant l’impact carbone sur l’ensemble de la supply chain. Grâce au compte unique partagé par tous sur la plateforme Opalean, on évite de perdre des palettes et on optimise leur usage en multipliant le nombre de rotations grâce à une meilleure gestion entre les différents acteurs ».

 

Avec la crise, les enjeux de développement durable pourraient ainsi s’être affermis et, avec eux, des recherches d’optimisation autour de la palette, juge Latifa Gahbiche. Son entreprise, Chep, propose la palette « durabilité » qui voit son plateau renforcé pour pouvoir garantir précision et résistance lors de l’acheminement et l’utilisation. Déjà disponible en 80 x 120, elle est aujourd’hui lancée sur un format 100 x 120 : « On estime son utilisation à 18 ans par rapport à une palette classique qui est de 10-12 ans. Plus on allongera la durée de vie d’un produit, moins on générera de déchets, et moins on sollicitera la matière première… ». Une notion de durabilité également travaillée chez le spécialiste de la palette plastique, Craemer où Cyril Wahl évoque « un changement de mentalité » à propos de l’utilisation de ce matériau : « Le PEHD [polyéthylène haute densité] est 100 % recyclable. Cet aspect est très important pour les acteurs avec lesquels nous travaillons : lorsqu’ils arriveront en fin de vie dans plusieurs années, nous récupérerons les produits que nous leur fournissons pour fabriquer de nouveaux supports avec. Cette recyclabilité, en plus de la durabilité et de la rentabilité, a conduit des acteurs majeurs de la grande distribution à nous faire confiance depuis des années ». Craemer réfléchit par ailleurs à de nouvelles palettes toujours conçues en PEHD pour parvenir à des produits en constante amélioration, « avec garanties alimentaire, sécurité et traçabilité », et qui devraient voir le jour avant la fin de l’année. Ces enjeux de développement durable passent également, chez Smart-Flow, par un travail sur « l’emboîtabilité » des palettes « afin de diminuer les coûts de transports et de stockage et ainsi réduire l’empreinte carbone », explique Didier Maréchal.

 

Des impératifs de durabilité chers au groupe IPP qui souligne sa maîtrise de la chaîne logistique de bout en bout, du sourcing du bois labellisés FSC et PEFC, en passant par la production de la palette, jusqu’à son allocation, sa récupération, son tri et sa réparation : « Nous avons également mis en place un outil transport pour optimiser nos flux et nous développons avec nos clients des partenariats pour déployer le multimodal, comme par exemple le train », décrit Thibaut Esnée. Un attrait pour le transport combiné également évoqué chez Chep par Latifa Gahbiche qui appelle à changer de paramètres et évoluer vers plus d’ouverture, pour atteindre ces objectifs de durabilité : « Continuons à trouver des solutions d’innovation, de collaboration transport, de multimodalité, d’utilisation de plateformes, d’outils, de partage des forecast… Arrêtons de réfléchir en silo, réfléchissons end-to-end, voyons en 360° ! », termine-t-elle. Le tout avec la certitude que les produits tracés, réutilisables et recyclables ont un bel avenir devant eux.

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