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Logistique du froid : nouvelles technologies et traçabilité

Publié le 9 septembre 2021
SOMMAIRE

À l’heure où le partage instantané des données contribue à améliorer l’efficacité énergétique, les acteurs de la chaîne du froid s’appuient sur cette digitalisation pour permettre traçabilité et optimisation des schémas opérationnels.

Si les développements matériels ont contribué à transformer la chaîne du froid et la conduisent à évoluer vers un comportement plus responsable, c’est également autour des nouvelles technologies et de la digitalisation que se sont déployées les innovations du secteur. Une digitalisation au service de la traçabilité qui aura vu évoluer la filière : alors que les professionnels du secteur endossaient auparavant des métiers de gestionnaires de moyens techniques à travers la production du froid, l’importance de la gestion des flux et des stocks grâce à l’informatique est devenue prégnante à partir des années 80-90, rappelle Jean-Eudes Tesson, président de l’association La chaîne logistique du froid : « Petit à petit, on a vu se développer et se systématiser, au début des années 2000, les échanges de données informatisées ainsi que les technologies numériques avec les API qui sont en mesure d’interconnecter les systèmes d’information. Toute information concernant un produit peut être partagée instantanément avec tous ceux qui en ont besoin, ce qui contribue à optimiser le pilotage de l’énergie : étant donné qu’on connaît instantanément la consommation, cela permet de faire un lien entre les pratiques, la production, l’exploitation afin de l’améliorer ».

 

Conserver la bonne température

En ce sens, savoir garder le produit à bonne température représente une action environnementale puisqu’elle permet de réduire les pertes. Dans ce domaine, le Cemafroid est mis à contribution pour certifier matériel, solution ou encore entreprises : « Notre laboratoire est à l’origine de la Norme NF EN 12830 sur l’enregistrement des températures qui est devenue depuis européenne. Nous effectuons des essais sur les enregistreurs de température utilisés dans la chaîne du froid et nous établissons pour le ministère de l’Agriculture une liste régulièrement mise à jour de ceux qui sont conformes », explique Gérald Cavalier, président du groupe Cemafroid-Tecnea. Riche d’une dizaine d’années d’expérience sur la gestion et le pilotage des transports en température régulée, le Groupe Sterne développe son expertise sur la traçabilité au service des acteurs de la santé, à travers sa filiale ATS Santé. Un segment de marché qui devrait, selon Franck Garnier, directeur général d’ATS Santé et Novea, être amené encore à se développer dans les prochaines années, eu égard à la population vieillissante et au niveau de soin plus important : « Tout cela donne naissance à des besoins de transport maîtrisés en température régulée ou pas. Cette traçabilité, nous la mettons aussi à disposition de notre entité Novea sur le transport alimentaire bien qu’il se développe plus lentement. Avec la crise sanitaire, certains réflexes se sont accélérés notamment sur le retail mais cela demeure encore timide car, sur ce segment, c’est le consommateur qui paie le transport, alors que ce sont plutôt les instances publiques sur la partie médicale », observe-t-il.

 

Pour l’expert de la logistique du dernier kilomètre, Star Service, qui intervient notamment sur les marchés de l’alimentaire et de la santé, le transport sous température dirigée fait également partie intégrante de son savoir-faire « pour assurer avec précision le respect de la chaîne du froid ainsi que la traçabilité complète des températures tout au long de la chaîne logistique », spécifie Marc Joly, son directeur commercial. Le principal enjeu, là encore, consiste à mettre en place un processus et des outils dédiés au respect des températures en restituant leur suivi aux clients finaux, explique-t-il : « À travers une flotte de véhicules multi-températures, des processus logistiques rigoureusement construits, des sondes certifiées installées à l’intérieur des véhicules et de nos chambres froides, des logiciels de suivi des températures développés en interne ou encore la formation de nos collaborateurs aux spécificités du transport sous température dirigée et à l’application des BPD (bonnes pratiques de distribution), nous assurons à nos clients un service fiable et sécurisé ». Sur la partie alimentaire, avec sa division Star Service Gourmet, en plus de délivrer une courbe de températures aux clients issus de la restauration collective, un contrôle contradictoire est effectué à l’enlèvement, au cours du transport et à la livraison. Quant à la livraison de courses alimentaires, assurée par Star Service Retail, elle se fait également dans des véhicules sous température dirigée dotés d’un afficheur des températures visible à tout instant par le livreur : « Cet enjeu de traçabilité des températures prend toute son importance sur un marché où des alternatives avec de la livraison collaborative se développent, afin de garantir aux consommateurs et clients finaux l’intégrité et la qualité des produits alimentaires livrés », stipule Marc Joly.

 

La traçabilité de la température, un prérequis

Dans le cadre de cette digitalisation, la traçabilité de la température se présente donc comme un fondamental pour les acteurs du froid, à la recherche d’une utilisation plus avancée de la donnée. « Nous avons des obligations légales et une expertise de longue date sur le sujet, évoque Damien Chapotot, directeur général de Stef Transport. Ce qui a évolué, ce sont les solutions d’alerting de captage des températures ». Le spécialiste européen des services de transport sous température dirigée, dont tous les véhicules possèdent des enregistreurs avec sonde, a également développé des solutions internes pour tracer l’ensemble de ses produits transportés d’un point de départ à un point d’arrivée qu’il met à disposition de ses clients et leurs destinataires, à chaque opération à l’intérieur du réseau, en temps réel : enlèvement, passage à quai, mise dans les véhicules de traction, arrivée sur la plateforme de distribution, éclatement, tri… « Et nous sommes allés plus loin dans la mesure de notre impact collectif sur cet environnement en développant, au sein du groupe Stef, un calculateur d’émissions de CO2 rapporté au client et certifié sur la base de la réalité des véhicules utilisés et du modèle d’exploitation mis en oeuvre. Ces informations sur leur consommation de CO2 sur une période donnée sont mises à leur disposition sur un portail dédié », poursuit Damien Chapotot.

 

La maîtrise de la traçabilité produits et température est également totalement intégrée dans l’organisation de Sofrilog : « C’est un prérequis comme pour tout bon logisticien du grand froid, juge Sébastien Bossard. Puisque 98 % des produits que nous gérons, stockons, préparons et transportons concernent l’alimentaire, cela implique forcément des enjeux très forts au niveau de la sécurité. La maîtrise de la qualité et de la traçabilité y est essentielle. Nos systèmes d’information métier gèrent parfaitement ces points, que ce soit notre WMS sur la partie entrepôt ou nos TMS pour la partie transport ». Le spécialiste de la logistique et du transport grand froid déploie désormais ses efforts sur le tracking du dernier kilomètre en liaison avec le client final : « Nous sommes assez innovants et performants et nous testons actuellement un service d’alerte automatique par SMS ou email pour avertir d’un retard, lorsque par exemple, dans une tournée comportant 10 clients à livrer, le conducteur se retrouve bloqué une heure supplémentaire avec le cinquième client », explique Sébastien Bossard.

 

L’enjeu du développement durable

Pour Kuehne+Nagel, ces préoccupations environnementales sont « inhérentes à son activité », explique Stéphane Recchia, responsable du transport des produits périssables et de la plateforme du logisticien à Rungis. Elles font partie intégrante des principes de son réseau certifié en interne, KN FreshChain, en plus de la mise en place de « normes uniques d’excellence », du relevé de températures, du choix de mode de transport et de prestataires adaptés, de la communication avec le client pour le suivi de son envoi via les outils digitaux du groupe, et de la vérification du maintien de la chaîne du froid à destination. « Avec un besoin croissant de nourriture pour faire face aux besoins des populations, les denrées alimentaires peuvent souvent être transportées sur de longues distances. Nous devons nous assurer de le faire le plus respectueusement de l’environnement possible sur le choix des moyens de transports et des prestataires, et en minimisant aussi le gâchis alimentaire grâce à des emballages et des processus de manutention plus protecteurs », indique Stéphane Recchia. Niveau santé, pour maîtriser la température tout au long de la chaîne, Kuehne+Nagel a mis au point depuis 2012 des solutions de monitoring en temps réel et proactif à distance « avec les équipes dédiées qui suivent les évolutions des courbes de température et interviennent si besoin avant qu’une déviation ne se produise, détaille Marina Doeva Stole, responsable du transport routier des produits de santé au sein de la direction stratégie monde de Kuehne+Nagel. Notre flotte de camions pharma interne et externe compte aujourd’hui plus de 8 000 camions connectés qui transmettent les données à distance sur notre plateforme de suivi ».

 

Au sein du Groupe Sterne, la traçabilité se met aussi au service des solutions vertes, en intégrant de la gestion de température autonome sur les vélos-remorques : « Nous sommes en mesure de transporter dans des vélos-cargo des prélèvements de biologie à une température ambiante de 20° C, quand il fait - 5° C à l’extérieur », indique Franck Garnier. La solution de surveillance de température sans fil 100 % connectée, développée par la start-up Koovea, relie également ces notions de traçabilité et de sécurisation de la chaîne du froid à celle de durabilité : « Ce qui nous a incité à lancer Koovea, c’était l’envie de proposer une solution de suivi en temps réel, permettant ainsi d’éviter les pertes qui représentent de l’argent mais aussi du gâchis », explique Yohann Caboni, cofondateur de l’entreprise. La solution est par ailleurs réutilisable : « Une fois que le capteur ne fonctionne plus, on demande à nos clients de le retourner, et tous les matériaux qu’il est possible de récupérer sont recyclés ». Créée en 2015, Koovea intervient aujourd’hui à toutes les étapes de la chaîne du froid avec la volonté de proposer un outil simple et évolutif, répondant à n’importe quel cas d’utilisation. « Nous proposons à nos clients de les aider à automatiser le suivi de température, parce que c’est une activité chronophage qui n’est pas leur coeur de métier. Complétement plug and play, notre solution est composée de trois éléments : le capteur température qui va être positionné au plus proche du produit : à l’avant et à l’arrière de la remorque, pour le transport ; sur les frigos, congélateurs, surgélateurs au niveau du stockage… À proximité de ce capteur se trouve un petit boîtier qui remonte en temps réel toutes les données. Le troisième élément, c’est l’application disponible sur web et smartphone qui va permettre de superviser les données et surtout d’être averti en temps réel s’il y a une rupture de la chaîne du froid, par tout type de canaux de communication : mail, SMS, appel téléphonique automatisé », décrit Yohann Caboni.

 

Travailler la donnée

Cette montée grandissante de la digitalisation participerait donc à avoir un impact positif sur les enjeux de développement durable. Le numérique au service de l’amélioration de l’efficacité énergétique en somme. Sur l’exploitation elle-même, cela passe notamment par la mise en place de process de massification grâce au traitement de la donnée. « Et l’intelligence artificielle peut venir encore améliorer les process puisque la machine apprend au fur et à mesure qu’elle pilote : cela participe à l’optimisation et à la traçabilité », note Jean-Eudes Tesson. « Nous travaillons avec des partenaires pour utiliser l’intelligence artificielle et le data crunching [transformation des données non structurées en données structurées] afin d’obtenir des éléments de prédiction plus robustes nous permettant, à volumes constants transportés, de réduire le nombre de véhicules auxquels nous avons recours, illustre Damien Chapotot, directeur général de Stef Transport. Aujourd’hui, avec 9 000 clients expéditeurs susceptibles de livrer 100 000 destinataires, l’être humain peut s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour trouver le modèle le plus efficient. Cette nouvelle technologie nous permet d’être plus vertueux d’un point de vue environnemental en réduisant, à tonne constante, le nombre de véhicules sur la route ».

 

Avec sa plateforme de gestion de parc en ligne, l’expert de la télématique Ekolis propose de son côté une solution constituée d’une sonde de température sans fil universelle posée sur les véhicules lorsqu’ils ne sont pas équipés nativement de télématique. S’ils le sont déjà, celle-ci viendra s’intégrer dans le périmètre Ekolis : « Nous allons nous connecter à l’enregistreur, c’est-à-dire la passerelle mise à disposition par Thermo King ou Carrier [principaux fournisseurs de groupes frigorifiques] pour récupérer les données fournies par le moteur : les codes défaut, les niveaux de carburant… », explique Guillaume Perdu, fondateur d’Ekolis pour qui les grands chantiers de la logistique du froid tournent autour de la sécurité : « Pour le client transporteur, il s’agit de pouvoir reporter à son client des courbes de température, c’est-à-dire lui fournir une surveillance du respect des règles de transport ». Au-delà de ce premier seuil de sécurité, se pose la question du partage de l’information vis-à-vis du donneur d’ordres : « Par exemple, si je transporte pour un groupe pharmaceutique, il est légitime que je lui donne un accès direct sécurisé à la plateforme sur laquelle il pourra consulter les rapports de tournée, ou encore les courbes de température sur un trajet dédié ». Un système d’« alerting » vient compléter le tout : « Historiquement, on trouve beaucoup d’alertes liées à la consigne [la température de consigne correspond à la valeur à atteindre en degré Celsius], mais les litiges en température sont en réalité rarement liés à des problèmes techniques étant donné que les blocs frigorifiques sont plutôt fiables et que la majorité des défaillances proviennent d’erreurs humaines. Un conducteur démarrant sa tournée de transport peut se tromper et indiquer une consigne à - 5° C au lieu de - 25° C, cela ne sera pas détecté alors que le problème est majeur : je pars avec du surgelé et je livre un produit complément décongelé… ». Pour répondre à cette problématique, Ekolis va donc plus loin dans le respect des températures et couple sa solution avec le système TMS du transporteur de façon à s’assurer de cette adéquation entre le bon de commande et la température enregistrée sur la consigne.

 

Partage et traçabilité de bout en bout

Pourrait-on aller jusqu’à imaginer une solution de traçabilité de bout en bout pour cette logistique sous température dirigée ? Une démarche dans la ligne stratégique d’Ekolis depuis sa création : si la première étape a été d’équiper les semi-remorques, la deuxième, actuellement en projet R&D, concerne la traçabilité du contenant lui-même pour être capable d’intégrer la traçabilité de la température dans la chaîne logistique globale. Un cas d’usage est déjà en place dans le domaine de la pêche avec un démonstrateur « où le produit pêché va être équipé par Ekolis et sa température sera suivie quasiment jusqu’à l’assiette du consommateur, détaille Guillaume Perdu. La technologie ouvre des voies, elle est capable de toute faire, il faut juste que cela reste économiquement responsable ». Une solution intégrant des partenaires européens dont la mise en application a été retardée de 2021 à 2022 compte tenu de la situation sanitaire. La société Koovea réfléchit de son côté à des solutions complémentaires qui pourraient permettre de venir tracer le produit de bout en bout à travers la Blockchain, offrant la possibilité à chacun des acteurs de consulter et d’enregistrer la donnée au travers de la solution existante : « L’idée serait de partir d’un traceur pour chaque produit, décrit le co-fondateur de Koovea. Nous réalisons beaucoup de recherches en interne et créons des prototypes pour poursuivre cette avance technologique ». « À date, nous avons la capacité de tracer les différents maillons de la chaîne du froid, indépendamment les uns des autres. Avec l’IA, l’enjeu est également de créer une base centrale qui permettrait d’avoir la somme de tous ces segments consolidés pour obtenir une traçabilité complète », indique Jean-Marc Platero.

 

Cette récupération de l’information, sa normalisation et sa mise à disposition sur un serveur neutre pourrait être la prochaine étape. « Cela ne demande pas une grosse technologie mais un standard et une capacité de stocker ces datas et ces informations pour qu’en temps réel, sur un segment donné, on puisse procurer toutes les informations relatives à la traçabilité de température d’un produit ». Avec un objectif, au-delà de la sécurité et de la traçabilité alimentaire : celui d’alerter et d’anticiper l’impact que peut avoir une dérive de température sur un produit pour éviter le gâchis, « puisqu’historiquement les transporteurs travaillent à réduire le gaspillage pour deux raisons : son impact environnemental et le coût logistique qu’il induit », rappelle Jean- Marc Platero.

 

> Retrouvez l'intégralité des articles de notre dossier logistique du froid.

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