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Livraison : concilier efficacité et durabilité

Publié le 22 septembre 2022
SOMMAIRE

Face aux enjeux de performance et aux contraintes de réactivité engendrés par l’e-commerce se dessine également une sensibilité de plus en plus prégnante de la part des consommateurs et des marques pour les enjeux RSE. Un équilibre délicat à trouver entre nouveaux services pour une livraison réussie et transport plus durable pour une expérience plus verte.

Selon le Baromètre Les attentes des e-consommateurs en matière de livraison, réalisé par Ifop pour Star Service en septembre 2021, 64 % des cyberconsommateurs considèrent la livraison comme l’élément le plus important pour des achats en ligne et 81 % sont prêts à changer de site pour des options de livraison plus adaptées. Parvenir à la satisfaction du client final passe ainsi, à n’en plus douter, par la capacité à le livrer rapidement mais aussi à lui proposer divers modes de réception de son colis. Cette multiplicité des choix offerts participe à une expérience consommateur satisfaisante.

 

Livraison à la demande

Une étude d’Opinion Way pour Mondial Relay réalisée en 2021 montrait par ailleurs que 62 % des consommateurs français considèrent le point relais comme « le mode de livraison correspondant le mieux à leur mode de vie actuelle ». Cette livraison hors domicile est désormais proposée par de nombreux web-marchands. « Nous développons des solutions innovantes et complémentaires, afin que nos clients puissent récupérer leurs colis à l’heure et à l’endroit qui leur conviennent. Le service points de collecte d’Amazon qui regroupe Amazon Locker et Counter et plus de 20 000 points de collecte en France avec nos partenaires, s’inscrit dans cette volonté en permettant à nos clients de disposer de nouveaux services de livraison gratuite dans des lieux de proximité et de passages, à des horaires flexibles », détaille-t-on chez Amazon. Pour améliorer la qualité de sa livraison, la plateforme e-commerce propose également de nouvelles offres : « Avec des services comme Photo à la livraison, disponible sur leur application Amazon, les clients peuvent recevoir une photo du colis une fois livré ; des systèmes de géolocalisation permettent également d’être notifié lorsque la livraison approche, facilitant ainsi la remise du colis pour le livreur comme pour le client ». Les prestataires de transport misent ainsi sur la multiplicité des lieux et des moyens de livraison. Si cette diversité offre plus de chances pour parvenir à la délivrance du colis, elle participe également à des engagements en matière de développement durable.

 

Rendre le client consomm‘acteur

Cet engagement vers une livraison la plus décarbonée possible vient rallier la stratégie des marques et la volonté des consommateurs. Fin juillet 2021, 14 enseignes du commerce en ligne signaient, avec le ministère de la Transition écologique, le secrétariat d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, et la Fevad, La « Charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne ». L’initiative a été suivie par 18 nouvelles entreprises en mars 2022. Parmi les grands axes de cette charte figure la volonté de faire du client un acteur responsable de ses achats, un « consomm’acteur ». Cette nécessité de sensibiliser le consommateur passe par l’information sur l’impact environnemental de sa livraison mais aussi par l’encouragement aux bons gestes de commande. Une sensibilisation, de plus en plus à l’oeuvre chez les web-marchands, qui se traduit dans différentes démarches. Amazon a ainsi intégré en 2019 The Climate Pledge, un engagement à atteindre zéro émission dans l’ensemble de ses activités d’ici 2040. ID Logistics a de son côté conçu un outil en propre permettant le calcul de l’empreinte carbone de l’entrepôt et de son activité. « Étant donné que cette empreinte est souvent plus importante chez les e-commerçants, ils y sont très sensibles et apprécient la démarche », détaille Ludovic Lamaud, directeur général adjoint développement et innovation d’ID Logistics. Le groupe a également développé, sur le segment du dernier kilomètre, un algorithme avec Colisweb, proposant de manière systématique de choisir des créneaux de livraison plus vertueux : « L’algorithme va permettre de regrouper des commandes et des livraisons dans des mêmes créneaux horaires sur les mêmes localisation géographiques ». ID Logistics travaille également à son emballage en procédant au conditionnement à façon « même sur des commandes volumineuses avec plusieurs articles » et propose la démarche SIOC (ships in own container) qui évite de suremballer les produits laissant le choix à ses clients, dans le parcours d’achat, de réutiliser l’emballage d’origine en collant seulement une étiquette d’expédition dessus.

 

La durabilité, un facteur de différenciation

La durabilité est ainsi devenue une priorité et un facteur de différenciation pour de nombreuses marques, observe Laurent Kraffmuller, directeur de l’activité logistique contractuelle chez Kuehne+Nagel France : « Les consommateurs attendent un comportement durable qui se reflète également dans la transparence de la chaîne d’approvisionnement ainsi que dans l’emballage des produits. Notre objectif est de contribuer à réduire l’impact environnemental de nos clients. La traduction en logistique contractuelle se fait en étant attentif à de très nombreux aspects opérationnels (déchet, emballage, eau, emprise au sol) mais aussi en trouvant des solutions avec nos clients pour modifier l’impact de leurs marchandises qui transitent par nos sites, comme par une approche frugale en termes de packaging pour les envois e-commerce… », détaille-t-il. Dans ce cadre, l’entreprise tente de limiter les envois, en les regroupant dans la mesure du possible lorsqu’un client en passe plusieurs dans la même journée, et définit sa stratégie sur les 4 R : Réduire la consommation d’emballage, Réutiliser les emballages existants, Recycler et Remplacer les plastics conventionnels par des bioproduits. En tant que signataire de la charte, Cdiscount intègre également ces préceptes à ses démarches, à travers sa filiale C-Logistics. Un certain nombre d’actions et de propositions sont faites, en ce sens, à ses clients finaux sur le site Cdiscount.com, notamment pour éviter le suremballage : « Nous proposons à nos clients de se limiter à l’emballage du fabricant. Aujourd’hui c’est une option que nous proposons par défaut et 98 % de nos clients finaux la maintiennent », indique Antoine Wolff, directeur de la performance et du développement de la supply chain chez C-Logistics.

 

Savoir placer le curseur

Mais est-il aujourd’hui possible de conserver cette performance dans les délais de livraison requis avec ces enjeux de développement durable ? Face aux requêtes contradictoires du consommateur désireux de rapidité mais soucieux de durabilité, un arbitrage entre le confort immédiat et l’action citoyenne doit faire jour et mener à plus d’information et de sensibilisation : « Être en mesure d’afficher un bilan carbone sur chacune des livraisons est un travail colossal et un enjeu énorme. À chaque étape de la chaîne, il faut impliquer les acteurs, puis l’ensemble des parties prenantes (logisticiens, e commerçant et consommateur final), et mettre en musique leurs intérêts qui ne sont pas toujours convergents », estime Nicolas Pelletier, senior manager du cabinet de conseil Citwell. Face à ce numéro d’équilibriste, il s’agit pour les prestataires logistiques d’évaluer exactement où son donneur d’ordres positionne son curseur : « On va par exemple avoir des partenaires dont le business model s’oriente particulièrement sur l’efficacité et qui évoluent dans des marchés laissant moins de marge pour accélérer sur la green supply, détaille Vincent Mangin, business development manager de Log’s. Néanmoins, nombreux sont ceux qui ont à coeur de décarboner leurs activités et développent une réelle exigence en termes de RSE : le bien-être au travail, le bilan carbone des installations, ainsi que le sourcing des matériaux qu’on peut utiliser. Aujourd’hui nous avons donc toute une gamme et les prix oscillent énormément selon le business model de nos clients ». À cet égard, Nicolas Pelletier appelle à dupliquer la démarche Nutri-score aux produits de l’e-commerce : « Apporter de la transparence sur l’empreinte carbone des produits achetés permettrait d’intégrer le consommateur en tant qu’acteur dans des processus d’achat plus responsables. Cette information modifierait les habitudes de consommation et faciliterait la transition vers une logistique plus durable », juge-t-il.

 

L’avènement du slow delivery ?

70 % des cyberconsommateurs auraient une meilleure image de leur e-commerçant s’il proposait une option de livraison éco-responsable, selon le Baromètre Ifop pour Star Service Les attentes des e-consommateurs en matière de livraison, publié en septembre 2021. Un impact d’autant plus marqué chez les jeunes avec 85 % de 18-24 ans qui le suggèrent tandis qu’ils sont 75 % chez les 25-49 ans. Ces clients en général sont d’autre part 73 % à se dire intéressés par le principe de l’éco responsabilité en matière de livraison. « Il s’agit d’apporter un maximum de transparence sur l’empreinte carbone à toutes les étapes de vie du produit et de donner, en deuxième lieu, le choix au consommateur de pouvoir sélectionner une livraison plus durable, plus propre », détaille Nicolas Pelletier. Une option qui peut jouer sur plusieurs facteurs : un mode de transport plus green ou/et une vitesse de livraison réduite, en lien avec la démarche de slow delivery : « Aujourd’hui, tout est livrable en un temps record, il faut casser cette démarche et revenir sur des fondamentaux avec une fréquence de livraison plus raisonnée », estime-t-il. Dans une interview au JDN, en avril 2021, Karine Schrenzel, PDG des 3 Suisses, indiquait que c’était une priorité de l’enseigne cette année. Une démarche qui passe par l’optimisation des tournées en mutualisant les commandes et la possibilité de verser une contrepartie au consommateur optant pour ce mode de livraison. Mais pour être entendu et accepté, ce passage au slow delivery devra potentiellement être initié par l’État et intégrer des frais supplémentaires en cas de livraison rapide : un complet changement de culture visant à apporter une lecture différente au consommateur amené à saisir que la rapidité d’exécution de livraison n’est plus une obligation, hormis dans certains périmètres comme celui de la santé. Pour autant, cette tendance au slow delivery est encore loin de se diffuser, le besoin de réactivité des clients demeurant toujours bien prégnant. Pour Bertrand Chabrier, chez C-Log, la volonté de passer en livraison retardée chez une marque révèle d’ailleurs davantage une stratégie économique qu’écologique : « Les marques les plus concernées par ces sujets de développement durable cherchent de vraies solutions qui consisteront plutôt à travailler sur leur emballage ou encore sur le transport du vide… », juge-t-il.

 

Vers plus de mutualisation

Chez Rhenus, Mercedes Ortiz Garcia, n’observe pas encore de requête vers le slow delivery chez ses clients : « Quand on fera vraiment la différence entre la livraison à H+3 et à 3 jours, on commencera peut-être à avoir une société différente. Mais je ne vois pas encore le déclic, le point d’inflexion, indique-t-elle. Il s’agirait, pour le mettre en place, de proposer une différenciation des prix entre la livraison express et la livraison retardée pour permettre de massifier les flux. C’est une vraie réflexion pour créer les besoins essentiels : quand on va livrer des pièces détachées dans un garage où il y a toute une chaîne de production qui attend derrière, une livraison express est justifiée. En revanche, livrer des baskets en deux heures, est-ce vraiment nécessaire ? ». Cette volonté de mutualisation et de massification des flux fait partie de la stratégie du prestataire FM Logistic qui s’appuie sur plusieurs axes. Le premier consiste à regrouper plusieurs clients dans un même entrepôt afin d’optimiser la livraison. Le deuxième l’amène à mutualiser ses canaux de distribution tant pour les camions complets que les palettes, les colis ou les UVC (unité de vente consommateur). Le troisième axe concerne les lieux d’entreposage « que ce soit à partir d’entrepôts de 100 000 m² pour la préparation de commandes ou à travers des plateformes de consolidation de 5 000 m² avec des cross docks pour effectuer la livraison, en se rapprochant des grandes villes », détaille Xavier Prévost, directeur business solutions et systèmes d’Information de FM Logistic. Le tout avant un dernier niveau testé actuellement par l’entreprise, celui du City Corner. Et de nouvelles solutions pourraient également voir le jour en s’inspirant de démarches naissantes, à l’instar du nouvel acteur hollandais de l’e-commerce Picnic qui a décidé de restreindre ses créneaux de livraison, la société opérant via une tournée de quartier fixée en fonction des autres commandes alentours, et livrant avec des véhicules électriques. Le nouveau modèle gagnant ?

Focus

La mutualisation via le city corner chez FM Logistic

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Pour FM Logistic, répondre aux enjeux du e-commerce, cela passe aussi par la mise en place du City Corner. Après avoir inauguré un modèle outdoor avec Westfield dans le centre commercial de Vélizy-Villacoublay dans les Yvelines en octobre 2021, le prestataire logistique a ouvert son premier City Corner indoor, rue Frémicourt, à Paris, en mai 2022. Ces nouveaux « petits entrepôts avancés » sont en mesure de traiter divers types de produits : alimentaires (sec, frais, surgelés), traditionnels (colis), bulky (gros produits, hors normes), « l’idée étant de regrouper, dans une unité de lieu, trois automates qui permettent de retirer sur des plages horaires étendues l’ensemble de la gamme. Nous souhaitons d’autre part être agnostiques et accueillir tous les opérateurs logistiques (Mondial Relay, Relais Colis) et retailers (Auchan, Carrefour, Cdiscount) », décrit Xavier Prévost, directeur business solutions et systèmes d’information de FM Logistic. « Avec ce système, nous pourrions être en mesure d’optimiser les prises de rendez-vous en amont, amenant par exemple deux clients habitant dans la même rue ayant commandé chez deux enseignes différentes, à être livrés au même moment en créant des “happy hours” : vous commandez sur ce créneau, la livraison coûte 30 % de moins et vous contribuez à réduire vos émissions de CO2 ». Ce modèle permet également aux commerçants du quartier ou du centre commercial de proposer des retraits de marchandises en dehors de leurs horaires d’ouverture : « Si votre boucher ferme à 20h, vous pouvez venir récupérer votre commande plus tard dans le City Corner ». De quoi rendre les commerçants locaux omnicanaux. Xavier Prévost entrevoit même d’autres usages à l’avenir comme imaginer que ces nouveaux locaux soient le point de départ de livraisons à domicile dans un rayon de 400 m². Une autre manière de mutualiser au sein des quartiers…

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